lundi 9 février 2009

question de filiation

Question de filiation.




Malgré la petite contrariété du matin, lorsqu’en me levant – bouche pâteuse et neurones douloureux – je me pose les sempiternelles questions : Qu’ai-je donc encore dit ? Suis-je allé trop loin dans la provocation ? Vais-je finir par insupporter mes amis ?…je dois bien avouer que définitivement j’aime ça. J’aime lorsque les mots lourds et interdits arrivent sur la table toute chargée de bouteilles à moitié vidées. J’aime mettre mes deux grands pieds dans les plats les plus fragiles et j’aime pousser le bouchon, loin. C’est plus fort que moi. L’alcool à foison aide au grand déballage, il désinhibe les idées honteuses d’être trop justes, il amène à aller au bout de certaines logiques perturbantes. Mais parfois, il libère un flot trop soudain de mots en vrac et n’aide pas à la clarté du débat. Alors, comme les opinions divergent et que les joutes s’intensifient, comme chacun croit qu’il comprends le monde mieux que son voisin – alors - volent les « gros con ! » partent entre les effluves de rhum, les « je t’emmerde », les « d’toute façon tu comprends rien » et autres délicats « tu commences à me faire chier ». C’est bon parfois de se lâcher un peu et tout ceci reste jovial. Merci les mots…

On ne sait jamais comment certains sujets arrivent sur le tapis : la fécondation in vitro par exemple s’est invitée au débat et a foutu le souk. Clarifions un peu le propos.

Bien sûr que si des amis avaient recours à cette technique, je les féliciterai sans même me poser de questions. Le fond du problème, il me semble, demeure une question de tendance, de dynamique. C’est que l’absurde droit à l’enfant (droit opposable tant qu’on y est…) participe des dérives de la manipulation génétique qui elles-mêmes peuvent déboucher sur une forme d’eugénisme. Les apologètes du scientisme libéral seraient sur le point, sans questionnement moral, de revenir sur les bases anthropologiques des sociétés humaines : un papa, une maman, un enfant. La question n’est pas pour ou contre mais comment et pourquoi. Exactement comme pour l’avortement ou l’euthanasie, nul besoin d’être catho intégriste pour respecter la vie, l’humain, la procréation et pour au moins s’interroger. L’organisation scientifique de l’humanité m’effraie. La génétique - quand elle n’est pas médicale – semble aujourd’hui capable de transformer radicalement l’humanité, de signer sa mort, d’organiser un grand suicide collectif…En somme de proposer le droit au bonheur à n’importe quel prix !

L’évolution des mœurs - et le droit pour tout et n’importe quoi qui va avec - présentée comme un progrès, n’est – d’après moi- qu’une dérobade pour envisager l’homme nouveau, le bien, le beau incarné, l’hédonisme dépouillé d’humanité. Le droit à l’enfant ouvre la boite de pandore et la queue au guichet. Ici achats d’enfants…Allons y : Le droit d’une mère seule de s’asseoir sur la paternité au nom de son désir, le droit des plus riches d’aller faire leur marché au Mali ou au Viêt-Nam. Bientôt le droit des homos de se féconder par l’anus, le droit des vieilles truies milliardaires toutes liftées de procréer à soixante ans, celui des pères pourquoi pas d’avoir eux aussi la joie de porter l’enfant ; Au nom de la parité, la mesure serait évidemment progressiste. Bientôt aussi le droit d’avoir un enfant parfait, à la carte, avec le choix de la couleur des yeux, la forme du torse etc. On peut même imaginer un enfant mixte, hermaphrodite, ou un troisième œil à l’arrière du crâne. Mais je m’égare un peu à force de pousser la logique. Habermas parlait d’eugénisme libéral et résume tout à fait ce qu’il m’arrive de penser :

Les rêves eugéniques ont un lourd passé politique. C’est pourquoi il me semble qu’à l’avenir on se dirigera plutôt vers un " eugénisme libéral ". J’entends par là une pratique qui permettrait aux parents projetant d’avoir un enfant de choisir pour lui, parmi une offre de modèles génétiques, les caractéristiques, dispositions et capacités auxquelles ils tiennent le plus. On ne sait, pour l’instant, si un tel " article de consommation " existera jamais. L’épineuse question de la portée et de la précision que pourront avoir les interventions sur le génome humain divise les experts eux-mêmes et reste à ce jour sans réponse. Mais l’expérience prouve que bien des choses qui semblaient, il y a peu encore, relever de la science-fiction ont été, et de loin, dépassés par la réalité, en particulier dans le domaine de la médecine de la reproduction. Cela devrait nous inciter à être prudents. Je n’ai naturellement rien à redire aux interventions génétiques justifiées par une nécessité thérapeutique ; mais les frontières entre thérapie génique et eugénisme " positif " sont floues, et il faut au contraire se montrer plus que réservé face aux manipulations qui, visant à améliorer le patrimoine génétique humain, relèvent de l’eugénisme au sens strict.

J.Habermas «L’Avenir de la nature humaine. Vers un eugénisme libéral ?»

5 commentaires:

Dantès a dit…

Le problème c'est qu'on ne parlait pas du droit à l'enfant mais de l'envie d'un enfant car sur ce que tu écrits je ne peux qu'être d'accord avec toi... gros con.
Après il est évident que les dérives de la génétique sont très dangereuses. Il en va de même avec les OGM. A la base je trouve ça plutôt positif pour pas mal de pays qu'il existe des plantes génétiquement modifiées qui auraient besoin de beaucoup moins d'eau pour pousser, qui résisteraient à certaines maladies. Si les OGM étaient simplement cela j'encouragerais les recherches afin de savoir si ils sont dangereux pour la santé. Le problème c'est que le libéralisme contrôle la génétique et que ces OGM sont rendus stériles afin que les paysans soient obligés de se réapprovisionner sans cesse auprès des grandes firmes telles Monsanto.
Mais peut être que là dessus tu n'es pas d'accord et qu'au nom du Darwinisme social tu penses qu'il faille laisser creuver ceux qui n'ont pas la chance de vivre dans des régions où les terres sont fertiles... pauvre type.
Gros bisous et vraiment sans aucune rancune!

schock a dit…

On a reparlera. Mais je trouve que l'envie a tendance à se coupler avec le droit aujourd'hui. Au nom du désir d'enfants pourquoi refuser aux homos, aux vieilles, à madonna, eux aussi, d'en avoir ? L'in-vitro oui, si il y a un débat moral derrière...Et comme tu le dis si justement, l'addition sciences et libéralisme mondial débouche rarement sur une quelconque morale (ou décence pour connoter moins religieux.)
Quant aux OGM...je n'ai pas trop d'avis sur la question. ça concerne des plantes, j'y attache moins d'importance.

Dantès a dit…

Pour ta gouverne, les OGM ne concernent pas seulement les plantes car tous les êtres vivants sont des organismes. (Alex m'a soufflé)! Elle me dit qu'elle aimerait beaucoup discuté avec toi là dessus car elle partage beaucoup de tes idées...

Anonyme a dit…

En effet, l'homme contemporain a perdu toute raison, toute mesure, et donc forcément toute morale. Dés lors, il n'y en a plus que pour le sacro-saint Progressisme et Modernisme, lesquels dévastent tout sur leur passage.

"Les modernes s'ingénient avec astuce à ne pas présenter leur théologie directement, mais par l'intermédiaire de notions profanes qui l'impliquent.
Ils évitent d'annoncer à l'homme sa divinité, mais ils lui proposent des buts que seul un dieu pourrait atteindre, ou encore ils proclament que l'essence humaine a des droits qui la supposent divine." Gomez davila.

schock a dit…

croyance nouvelle effectivement, avec son lot de rituels : culte de l'objet, de l'image. Refus obsessionnel de vieillir et de transmettre. Foi inconditionnelle en la crasse modernité. croyance en la vie éternelle par la science et l'apparition d'un homme nouveau...toute une structure anthropologique moderne qui gangrène les cerveaux mais que j' ose croire encore altérable...

Michéa, lui aussi, prophétise l'aboutissement de la logique :

Le seul remède que l'utopie libérale sera conduite à proposer, pour guérir la maladie qu'elle crée, ne pourra être recherché que dans la possibilité de refabriquer intégralement l'homme au moyens des nouvelles biotechnologies : autrement dit dans la création de ce que Fukuyama nomme, avec émerveillement, une post-humanité, indéfiniment reprogrammable selon les progrès du système capitaliste.
C'est ainsi que le libéralisme des lumières finit à son tour par produire l'ersatz de religion qui est nécessaire à la cohérence de toute utopie. Ersatz dont l'intérêt des plus crétins pour la cryogénie, cette mythologie de prisunic, est sans doute la forme la plus spectaculaire, et qui finit par nous faire regretter la grandeur des religions passées.