vendredi 20 février 2009

optimiste vs pessimiste

Optimiste vs pessimiste




D’aucuns montrent du doigt le pessimiste cynique. La vie est belle ils lui disent. Ils s’agacent que le persifleur rouspète sans arrêt contre le laid, le factice, le plastique. Ils aimeraient qu’il s’attarde sur le bien qu’eux chantent comme authentique, qu’il s’enivre de l’odeur du grand soir qui arrive. Ceux là sont les optimistes. Ils luttent pour un monde meilleur, un meilleur des mondes. Ils ont ciblé le mal et lui balancent quelques fléchettes à coup de pétitions, discussions et pancartes. Ils se battent comme des courageux qu’ils ne sont pas. Leurs armes sont en carton, ils moulinent à l’infini. Les optimistes râlent contre les râleurs, ils disent qu’il y a pire. Ils croient le festif révolution à venir et avenir radieux. Ils célèbrent le Dieu moderne, le Dieu du Bien indépassable. En temps de crise ils sont inquiets de ne pouvoir atteindre ce monde idéal. Ainsi on-t-ils renoncé à comprendre l’ordre des choses, l’histoire, la filiation, peut être aussi l’humanité elle même. Il n’y en a que pour leur Bien céleste, seul horizon contre tous les archaïsmes, les maux ancestraux. Ils montent l’escalier, progressent hors l’Histoire ; Ils n’y sont plus, ils sont morts, ils sont optimistes, le vent dans le dos les poussent. Tout ça est positif, diaboliquement positif.

Alors le cynique se moque d’eux, réagit. Lui n’a plus que le rire contre le sérieux du vénérable Bien, l’inhumain. Il se moque donc, et rabat à coup de sarcasmes la joie idiote de ceux qui proclament leurs funestes idéaux. C’est cette soif de l’idéal, cet idéal de sortie du temps, cet optimiste pour l’éden ultime qui pousse le pessimiste à en être, qui le force à s’angoisser pour après demain. Ainsi pour lui, le seul optimisme envisageable, le réel, le souhaitable, serait de voir grandir le front des pessimistes, pour que l’arbre mourant reste vivant, encore un peu…



lundi 16 février 2009

les hébreux expliqués à Kadir (2/2)

les hébreux expliqués à Kadir (2/2)




Il débarqua dans la salle de réunion accoutré d’un survêtement vert floqué Algeria. Nous étions parti pour une petite heure : Les hébreux. Nous fîmes comme si nous discutions, je lui posai des questions et il y répondit en notant les mots importants.
- Bon Kadir. Alors, raconte moi un peu les débuts du peuple hébreux.
- Euh…j’sais pas.

Il était parti pour faire aucun effort, le petit con. Pendant une demie heure, je lui ré expliquai…Abraham, Canaan, Moïse sur le mont Sinaï, la création du Royaume d’Israël. Puis je le testai un peu voir si ce dernier nom propre lui évoquait quelque chose.
- Aujourd’hui, c’est une région en guerre, tu as entendu parler de ce qui se passe là-bas ?
J’avais envie de lui expliquer mon point de vue, mais ce n’était ni judicieux, ni opportun. Et après tout, en petit français, il n’était pas plus concerné qu’un autre…
- non. J’sais pas.
Il était vierge d’a priori. Tant mieux. J’avais eu des échos douteux du papa. Mais en voyant son fils une fois par mois, il avait sans doute autre chose à lui dire qu’à lui ressasser quelconques sermons ou autres discours puants. Il commençait à bien intégrer ce que je lui racontais.
- Alors les dix commandements. Est-ce que tu les connais ? Cites moi en au moins quelque uns…
- Tu voleras pas, tu tueras pas, tu choisiras pas d’autre Dieu que moi, tu piqueras pas la meuf de ton voisin…

- d’accord. Bon ce n’est pas vraiment comme ça qu’il l’a dit, mais l’idée y est. Il a dit tu ne convoiteras pas la femme…
- Ensuite les premiers rois du royaume tu les connais ?
- Jésus.
Il me dit. Je repris rapidement la genèse des grandes religions en me sentant obligé d’insister sur l’Islam. Je savais bien que ça n’était pas très républicain comme pédagogie, mais je ne pus m’en empêcher.
Je lui expliquai ensuite le combat de David
- Contre qui Kadir ?
- Gozzilhat.
Il me dit.
En me marrant, je lui expliquai qu’aujourd’hui, David contre Goliath était devenu une expression. Là encore, pas très fier de moi, je lui filai la métaphore avec un exemple sur le football, comme si les deux seules choses qu’il soit en mesure de comprendre étaient la baballe et son « islarabité ». Honte à moi.
- C’est comme si Grenoble jouait contre Manchester. Je lui dis. Grenoble se serait David
De David, il n’en avait cure, il me coupa et répliqua.
- Oui mais bon Manchester y mettrait son équipe B.
- Oui, certainement. Mais est-ce t’as compris l’expression ?

- Oui.

Il était temps de se pencher sur les rites judaïques. Comme lui, les juifs ne mangeaient pas de porc. Il fut surpris de la nouvelle et nota l’information sur son cahier de brouillon. Restait à lui expliquer la circoncision.
- Tu sais ce que ça signifie Kadir ?
- Oui, ils se coupent la bite. Me dit-il tout bas, sourire légèrement honteux.
- Non, pas exactement. Je lui expliquai très brièvement. Il savait très bien.
Nous terminâmes sur l’explication puis la description du temple de Salomon. Avec ce qu’il en restait : le mur des lamentations. Je lui commentai une photo de son bouquin.
- Aujourd’hui les juifs y mettent des papiers pour remercier et implorer Dieu. Des prières.
- Comme des vœux un peu ?

- Oui à peu près.

- Ah ben je veux y aller là-bas, je mettrai un papier pour dire que je veux être footballeur.


La voilà l’idée de génie pour la grande réconciliation ! Kadir venait de l'évoquer : Organiser un voyage scolaire à Jérusalem pour que chacun y glisse son petit vœu dans les brèches du mur. Il faudrait cependant, au préalable, obtenir quelques autorisations et prier que ni l’office du tourisme de la ville sainte, ni le papa et les tontons fadas du petit dribbleur ne voient d’objection à l’initiative…
La sonnerie retentit et Kadir s’en alla prestement foutre le bazar dans les couloirs, une de ses spécialités.



Quant à mon vœu, il ne s’était pas réalisé. 6/20. Les hébreux n’avaient pas inspiré Kadir…Pas plus qu'autre chose.

dimanche 15 février 2009

les hébreux expliqués à Kadir (1/2)

les hébreux expliqués à Kadir (1/2)




Début janvier. Il était quelque hasard du calendrier tout à fait explosible. Hasard du programme scolaire et de l’actualité. Hasard du quotidien, hasard à sourire aussi.

Voilà des mois que le petit Kadir s’appliquait à mettre l’ambiance dans la studieuse 6D. Sur l’agenda standard du voyou moyen, il avait, semblait-il, pris un peu d’avance ; En revanche, sur celui de la semaine, il éprouvait quelques difficultés à suivre la cadence. Déjà largement largué en classe, quand on lui évoquait le travail, il bottait maçons, boulangers ou pompiers dans le même filet : C’est de la merde ! Kadir voulait jouer au football. L’original ! Évidemment que dans la vie il n’aurait pas trente-six alternatives. Soit il taquinerait la balle et serait grassement payé pour ça, soit il deviendrait une petite frappe comme l’était son père avant qu’il ne se calme dans une cellule faite pour ça. Le terrain, la rue. Des deux mondes, il demeurait fasciné. Seulement voilà, au parcours sinueux et incertain du premier se dressait l’accès trop simple et séduisant du second.
Mais passons…Pour l’heure le petit avait une leçon d’histoire à apprendre pour le vendredi qui suivait et une fois n’étant coutume, il avait décidé de s’atteler à la tâche.

La veille, son référant me donna un coup de fil :
- Kadir veut réviser son cours avec toi.
Pourquoi pas ! Ma chance - ou mon mérite – était que l’ado bouillant me respectât encore, lui qui avait tenté, dès le mois d’octobre de mettre un front-kick dans la face du cuistot. Peut-être m’écouterait-il avec plus d’attention que certains experts néo-pédo-freudiens.
- Pas de problème, demain, 8h.
J’expliquerais les hébreux au bien nommé Kadir.

A priori, ça s’annonçait folklorique, explosif. Ça sentait la roquette et l’insulte. Mais, jeune encore, il restait sans doute un peu protégé des sombres orateurs - qu’ils défèquent via la famille, la rue ou l’écran - par le cadre en carton que lui imposait le foyer. Je verrais bien. S’il me crie d’entrée de jeu : les juifs c’est rien que des enculés, il faut leur niquer la gueule, j’aurais effectivement bien du mal, à lui expliquer Moïse et les tables de la loi, le grand voyage au pays de Canaan…

mercredi 11 février 2009

aphorisme de l'amitié

aphorisme de l'amitié





Tout bonheur sur la terre, Amis, est dans la lutte !
Oui, pour devenir ami, il faut la fumée de la poudre !
Trois fois les amis sont unis :
Frères devant la misère,
égaux devant l’ennemi,
libres devant la mort !
Nietzsche, Le gai savoir

lundi 9 février 2009

question de filiation

Question de filiation.




Malgré la petite contrariété du matin, lorsqu’en me levant – bouche pâteuse et neurones douloureux – je me pose les sempiternelles questions : Qu’ai-je donc encore dit ? Suis-je allé trop loin dans la provocation ? Vais-je finir par insupporter mes amis ?…je dois bien avouer que définitivement j’aime ça. J’aime lorsque les mots lourds et interdits arrivent sur la table toute chargée de bouteilles à moitié vidées. J’aime mettre mes deux grands pieds dans les plats les plus fragiles et j’aime pousser le bouchon, loin. C’est plus fort que moi. L’alcool à foison aide au grand déballage, il désinhibe les idées honteuses d’être trop justes, il amène à aller au bout de certaines logiques perturbantes. Mais parfois, il libère un flot trop soudain de mots en vrac et n’aide pas à la clarté du débat. Alors, comme les opinions divergent et que les joutes s’intensifient, comme chacun croit qu’il comprends le monde mieux que son voisin – alors - volent les « gros con ! » partent entre les effluves de rhum, les « je t’emmerde », les « d’toute façon tu comprends rien » et autres délicats « tu commences à me faire chier ». C’est bon parfois de se lâcher un peu et tout ceci reste jovial. Merci les mots…

On ne sait jamais comment certains sujets arrivent sur le tapis : la fécondation in vitro par exemple s’est invitée au débat et a foutu le souk. Clarifions un peu le propos.

Bien sûr que si des amis avaient recours à cette technique, je les féliciterai sans même me poser de questions. Le fond du problème, il me semble, demeure une question de tendance, de dynamique. C’est que l’absurde droit à l’enfant (droit opposable tant qu’on y est…) participe des dérives de la manipulation génétique qui elles-mêmes peuvent déboucher sur une forme d’eugénisme. Les apologètes du scientisme libéral seraient sur le point, sans questionnement moral, de revenir sur les bases anthropologiques des sociétés humaines : un papa, une maman, un enfant. La question n’est pas pour ou contre mais comment et pourquoi. Exactement comme pour l’avortement ou l’euthanasie, nul besoin d’être catho intégriste pour respecter la vie, l’humain, la procréation et pour au moins s’interroger. L’organisation scientifique de l’humanité m’effraie. La génétique - quand elle n’est pas médicale – semble aujourd’hui capable de transformer radicalement l’humanité, de signer sa mort, d’organiser un grand suicide collectif…En somme de proposer le droit au bonheur à n’importe quel prix !

L’évolution des mœurs - et le droit pour tout et n’importe quoi qui va avec - présentée comme un progrès, n’est – d’après moi- qu’une dérobade pour envisager l’homme nouveau, le bien, le beau incarné, l’hédonisme dépouillé d’humanité. Le droit à l’enfant ouvre la boite de pandore et la queue au guichet. Ici achats d’enfants…Allons y : Le droit d’une mère seule de s’asseoir sur la paternité au nom de son désir, le droit des plus riches d’aller faire leur marché au Mali ou au Viêt-Nam. Bientôt le droit des homos de se féconder par l’anus, le droit des vieilles truies milliardaires toutes liftées de procréer à soixante ans, celui des pères pourquoi pas d’avoir eux aussi la joie de porter l’enfant ; Au nom de la parité, la mesure serait évidemment progressiste. Bientôt aussi le droit d’avoir un enfant parfait, à la carte, avec le choix de la couleur des yeux, la forme du torse etc. On peut même imaginer un enfant mixte, hermaphrodite, ou un troisième œil à l’arrière du crâne. Mais je m’égare un peu à force de pousser la logique. Habermas parlait d’eugénisme libéral et résume tout à fait ce qu’il m’arrive de penser :

Les rêves eugéniques ont un lourd passé politique. C’est pourquoi il me semble qu’à l’avenir on se dirigera plutôt vers un " eugénisme libéral ". J’entends par là une pratique qui permettrait aux parents projetant d’avoir un enfant de choisir pour lui, parmi une offre de modèles génétiques, les caractéristiques, dispositions et capacités auxquelles ils tiennent le plus. On ne sait, pour l’instant, si un tel " article de consommation " existera jamais. L’épineuse question de la portée et de la précision que pourront avoir les interventions sur le génome humain divise les experts eux-mêmes et reste à ce jour sans réponse. Mais l’expérience prouve que bien des choses qui semblaient, il y a peu encore, relever de la science-fiction ont été, et de loin, dépassés par la réalité, en particulier dans le domaine de la médecine de la reproduction. Cela devrait nous inciter à être prudents. Je n’ai naturellement rien à redire aux interventions génétiques justifiées par une nécessité thérapeutique ; mais les frontières entre thérapie génique et eugénisme " positif " sont floues, et il faut au contraire se montrer plus que réservé face aux manipulations qui, visant à améliorer le patrimoine génétique humain, relèvent de l’eugénisme au sens strict.

J.Habermas «L’Avenir de la nature humaine. Vers un eugénisme libéral ?»

vendredi 6 février 2009

un matin agréable

Un matin agréable.


Il y avait des jours où l’enthousiasme était de mise, des matins frais, légèrement brumeux comme je les aimais, ceux des expirations fumeuses, des ombres épaisses au sol et du soleil généreux. Je tressautais dans mon petit intérieur de la perspective d’un temps joyeux, du court terme toujours, un café, des gens, elle, des paysages, des souvenirs. Mais fixer une ligne directrice, une ligne de vie au bonheur linéaire, parsemées d’échéances, cogitées de réflexions ou de standards, relevait de la plus extrême difficulté voire même d’une incapacité totale. J’aspirais pourtant à cette construction mentale mais le quadrillage du temps m’avait toujours été bien aléatoire. Le lointain, effrayant, n’était sans doute envisageable qu’en rêves. Je ressentais le provisoire et les cycles se succéder, s’imprimer, mon humeur comme thermomètre défectueux, sans certitude de saison mais au hasard des circonstances et des soucis singuliers de chaque nouveau matin. Je flottais et tentais de naviguer sur un cours d’eau dont le niveau variait ; Fleuve ou petit ruisseau, la barque tanguait parfois. Tout dépendait des remous et c’était bien comme ça.

jeudi 5 février 2009

la surface...

la surface...



" Donnez-lui toutes les satisfactions économiques, de façon qu'il n'ait plus rien à faire qu'à dormir, avaler des brioches, et se mettre en peine de prolonger l'histoire universelle, comblez-le de tous les biens de la terre, et plongez-le dans le bonheur jusqu'à la racine des cheveux : de petites bulles crèveront à la surface de ce bonheur, comme sur de l'eau. "


Dostoïevski, Dans mon souterrain.

mercredi 4 février 2009

fortin l'indien

Fortin l’indien.



Quand le pouvoir d’achat devient une fin en soi, quand la revendication semble portée au rang de prière par des acquéreurs convulsifs, quand l’ultime désir revient à se couvrir de merde et de supports à merde, quand le rêve absolu est de rejoindre l’hyper-classe et sa frénésie de croissance ; Quand une société atteint ce stade d’aveuglement et ce niveau de quête spirituelle, quand elle veut lisser, programmer, hygiéniser, lénifier, abrutir… Alors, ses grands justiciers, ses gourous, ses relayeurs et ses fidèles s’étonnent de la sensibilité exacerbée, de la profonde humanité de l’hirsute ariégeois, de l’ascète au grand cœur, du brave Xavier Fortin. Ils l’enferment sans délai, interrogent l’anormalité et s’empressent de lui faire subir l’examen de l’homme moderne sorti du rang : L’examen psychiatrique ! L’incomparable, le non officiel est une folie. Il ne peut en être autrement ! Les rois de la diversité sont égratignés de son « déséquilibre », eux qui suivent le fil tendu très haut, harnais serré, œillères moulées…

Ainsi, plaquent-ils leur analyse sur l’effroyable doxa de notre belle époque !

Comment ça ? apprend-on : il n’a jamais violenté ses enfants ? Puisqu’ils se pausent la question, c’est qu’il en avait le profil, le bougre. Les deux petits captifs se seraient même attachés à leur bourreau de père, syndrome de Stockholm en grossier sous-entendu. Fortin a enlevé ses enfants ! Ils répètent. Mais comment peut-on enlever ses propres enfants ? L’amour leur passe au dessus ; Ils auraient aimé un crime, de la torture, de l’inceste, du congélateur…du morbide. Mais non. Rien de tout ça. Leur père s’est même substitué à la belle école de la république – celle qui fabrique à la pelle des illettrés, des chefaillons et des consommateurs d’objets – afin de leur apprendre à lire, compter, et même à devenir critiques et intelligents, témoigne le premier de leurs voisins éloignés. Une secte sans doute ! Et voici que les mass-médias nous présentent sa cabane, ses plantations et son troupeau, ils nous montrent la misère avec leur regard apitoyé trop caractéristique. La misère ? Oui, oui. Aucune trace de l’ameublement standard, pas de déco, pas d’écran plat ni même de volets coulissants. Et puis ce cheptel et ce potager ! Scandale, aucune des normes européennes n’est respectée, le lait des chèvres, pour le fromage pas même stérilisé ! Pauvres enfants, Sûr que dans cette baraque, il devait s’en passer des choses dégueulasses…De ces sous-entendus, de ces accusations, il devra se justifier, se défendre. Il devra expliquer sans doute ce qu’il entend par liberté…

Alors bien sûr, il s'agit là d'un drame familial, une mère a été brisée et c’est bien triste pour elle. Mais, ne pas même le comprendre, ne pas même saisir une bribe du pourquoi de ce choix douloureux et courageux, de son entière humanité ; Renvoyer ce Fortin à son délit et à sa folie et le fustiger à ce point d’avoir choisi la fuite sans daigner signer la convention du laid…Tout ceci - cette loupe déformante et cette mise en lumière – en dit long sur l’époque et dénote clairement que les barreaux de la moderne et crasse idéologie seront bien compliqués à limer.

Que vivent les
Fortin



lundi 2 février 2009

brute incursion (5/5)

brute incursion (5/5)




La librairie. Elle est là, j’y entre. Je cherche seul mon bouquin avant de me renseigner. Le gars me dit :

- Non, vraiment. Rien.

- Tant pis, merci, au revoir.

Je suis fatigué, je veux rentrer. J’y vais.

Mon téléphone sonne, un vieux motorola. Un collègue me propose un café. J’accepte. Il me dit :

- Dans un quart d’heure devant la fnac.

J’ai mal aux jambes, je vais prendre le tram. L’arrêt est à deux pas.

Je contourne par la rue Victor Hugo. Je suis surpris par une meute qui s’agite. Putain de clébards. Des gros chiens, qui bougent, qui reniflent et qui puent. Avec des allemands ivres autour, qui puent également. Des cannettes de Kronenbourg gisent un peu partout. Elles roulent dans le caniveau. Je regarde loin devant. L’un me dit :

- Pièces pour moi !

Je lui réponds non de la tête et je passe.

J’attends le prochain tramway. Une grande affiche indique qu’une Toyota coûte 14990 euros. Une fille au pull orange me donne un journal gratuit. Je refuse. Le tram arrive, klaxonne. Des vieux descendent doucement, un groupe monte et le grand crache une glaire avant de rentrer. Je m’éloigne. Je vais m’asseoir à côté d’une jeune fille que je cherche du regard. Plus que quatre arrêts. J'observe les rails, les fils électrique. C’est vrai que c’est typique le tramway. Une personne seule donne à voix haute une explication puis joue de l’harmonica. C’est pénible. Elle passe dans les rangs avec une boîte en fer. Je tourne la tête. J’attends en observant au dehors.

C’est mon arrêt. Je descends et tombe directement sur une paire de seins. Une grande affiche indique la leçon n°51 d’Aubade. Une autre fille au pull orange me donne un journal gratuit. Je refuse à nouveau. Je regarde furtivement le gros plan avant de retourner devant la fnac. Je suis à l’heure. C’est bondé. Des groupes, des couples, des jeunes, des vieux, du coca, des pizzas, des sacs, des fringues. Dans le coin le clochard dort toujours, il y a deux pièces dans sa casquette. J’attends mon ami. Une fille m’accoste pour sauver la planète. Elle est laide. Elle me dit :

- Greenpeace. Vous connaissez ?

Je lui réponds :

- Oui, mais ça ne m’intéresse pas.

Elle part voir d’autres passants. Quel K-way pourri.

Mon camarade arrive. On va à la brasserie boire un café, Au Bureau. Je suis éreinté. J’abrège. Je file.

Je regarde mes pieds pour rentrer. Il pleut un peu. J’arrive devant ma porte Putain de serrure. Je force et parviens à ouvrir. Je prends un cachet et j’allume la télé. Je m’endors. Je n’ai pas mon livre. Il est rare.

dimanche 1 février 2009

timidité

Timidité


" La timidité, c'est une défaillance devant le présent,
un manque de raccord entre l'imagination et l'acte,
et la vie intérieure sert précisément à combler
ou à dissimuler cette interstice "


" L'action, pour certains hommes est
d'autant plus impraticable que le désir est plus fort.
La méfiance d'eux même les embarrasse,
la crainte de déplaire les épouvante"


Honoré de Balzac. Le père Goriot.

samedi 31 janvier 2009

vendredi 30 janvier 2009

le fond de l'air...

Le fond de l’air...




Quelque part en province. Ce jeudi.

J’y ai fait un petit tour. Comme chaque trimestre, le peuple de gauche s’était donné rendez-vous dans les rues avec pour munitions contestataires, ballons, pancartes, drapeaux et autres confettis. Tout le monde avait l’air plutôt joyeux de participer à la kermesse hivernale. Les chiens, les enfants étaient de sortie, même la grand-mère et le cousin handicapé. On a pris l’air, il faisait beau. Les marginaux se sentaient moins seuls ; on en voyait trainasser quelques-uns ici et là, villageoise à plein goulot, heureux de voir du monde s’inviter à la maison. Des gens se distrayaient à déchiffrer les slogans les plus réussis. Beaucoup étaient minables, mais manifestement un certain nombre de gentils provocateurs avait pris le temps de se fabriquer, chacun, un joli doigt d’honneur symbolique. Clameur dans la foule, enfin le convoi pouvait démarrer. A chaque chapelle, sa grande banderole et sa délégation, les forces de progrès étaient toutes réunies ; Syndicats et partis faisaient fièrement flotter leur couleur dans le ciel parfaitement bleu. Hautes les doléances : délocalisations, service public, pouvoir d’achat…l’éternelle rengaine. Mais triste rengaine. L’époque filait mal, très mal. Chacun semblait d’accord sur le diagnostique - comment ne pas l’être – mais il soufflait comme un vent d’impuissance, comme un cyclone inéluctable…
Incontournables aussi les chants et les musiques des sonos grésillant : Aux oreilles nous revenait sans cesse l’éternel Trois pas avant, trois pas en arrière…sur fond de motivés et de Manu Chao entre autres mélodies traditionnelles. Les voix s’émoussaient un peu au plus le défilé progressait. On croisait des connaissances, des amis qui spéculaient sur le nombre de manifestants ; On voyait du monde, on souriait, on commençait à sérieusement envisager l’apéritif. Bref, pour tout dire, on flairait grossièrement le parfum du déjà vu : Jovialité et revendications teintées d’un pessimisme manifeste…Un énième mouvement probablement inutile, mais qui aura certainement eu le mérite d’en faire chier quelques-uns, de contrarier les apologistes de la productivité, les pourfendeurs de la prise d’otage, les haineux en tout genre du petit peuple inquiet, s’il ne les a pas fait rire…

Mais ce ne fut pas tout. Les rois du cortège, doucettement, changeaient de bonnet... inévitable mais désastreux glissement.

Bien que toujours nombreux et à jamais joyeux, les vieux ouvriers, les employés, les gueules marquées du sceau de la vile industrie, tout ce monde là, au fond, ne semblait plus trop y croire. Ils étaient venus pour se réunir, ne pas se sentir trop seuls. Ils étaient venus pour faire comme d’habitude. Peser sur quoi, peser sur qui ? La routine prenait des airs de combat perdu pour les anciens syndicalistes, pour les lucides travailleurs en lutte. Dix, vingt, trente ans que certains criaient leur inquiétude, leur colère, levaient la pancarte pour signaler leur présence. Et rien que de la saleté, des chiffres et du global abstraits qui progressaient toujours et partout. Personne alors ne s’étonnera de l’exponentiel dépit. La plupart avait compris qu’aucun des membres du Guignol’s band qu’ils avaient élu, ne pouvait influer sur quoi que ce soit, ni sur les quotidiens ni sur la décence. Des représentants de commerce, voilà qui ils étaient, ces animaux de pouvoirs. Ça se sentait, leurs chants anciens, du rouge avaient rosés et sauf quelque uns, ouvriers, employés, jeunes comme vieux, hommes et femmes étaient frappés du fer brûlant de l’abattement, syndrome du nouveau siècle, terrible mais tellement humain.

Ainsi, peu aptes à agiter la compagnie d’un optimisme débordant, les français gueulards et insoumis, peuple en lutte de la veille, avaient légué hargne, vigueur, et microphones à la jeunesse inculte et braillarde…Eux n’y comprenaient rien mais désiraient, ardemment, rependre le flambeau, pour la forme surtout, pour l’esthétique de la révolte, tellement bien notée par les jurys de la bien-pensance. Et chaque organisme avait recruté ses jeunes, la relève, pour mettre le feu, haranguer les foules, lâcher des ballons. Le fond de l’air est rouge messieurs dames ! rouge comme le nez de ces nouveaux clowns : les jeunes rebelles qui chantent faux aux hauts parleurs, faux dans leurs cerveaux et faux dans leurs cœurs. Des lycéens, des étudiants, à profusion, trop contents de leur cirque récent, s’étaient invités à la fête, pour parler de révolution, de Che Guevara…et surtout de pouvoir d’achat. Bien sûr, eux aussi avaient le droit d’être inquiets, mais leurs inquiétudes sentaient trop la teuf, l’illettrisme et la transcendance par le portefeuille pour qu’elles ne paraissent honnêtes et justes. Qu’il va être majestueux le grand soir avec pareils citoyens ! Déprimant de les voir s’agiter ces nouveaux experts de la lutte en plastique, vraiment.

Peut être suis-je un peu raide et partiel ? peut être finalement leur ressemblais-je naguère ? Peut-être aussi se réinventeront-ils ? Peut-être apprendront-ils à regarder autour, à regarder autre chose que le nombril d’une seule jeunesse. Je n’en sais rien. Le clairvoyant dirait que non, trop intoxiqués ces bougres. L’optimiste dirait que c’est une phase d’adaptation, qu’ils liraient plus tard. Le révolutionnaire les guillotinerait tous, les uns après les autres. Mais trêve de commentaires, le fait est qu’hier, ceux là m’ont sacrement gonflé puis gentiment désespéré.

jeudi 29 janvier 2009

brute incursion (4/5)

Brute Incursion (4/5)





J’ai mal aux reins, je repose le casque. Les gens parlent fort, la lumière m’agresse. Putain, j’ai mal au crâne. J’essaie de retrouver la sortie mais suivre le sens établi devient difficile. Je regarde furtivement les jolies fesses d’une femme que je décide de suivre, comme un repère. Pas trop longtemps.

A gauche des images agressent le monde autour. Des dizaines d’écrans plats, lcd, plasma, dolby etc. Je ne comprends pas les termes. Le même programme est diffusé sur chaque téléviseur. Une blonde marche sur un décor de synthèse tout blanc, en plastique. Vidéo gag. Je m’arrête devant le plus grand, un samsung. L’image est nette, la couleur saute aux yeux. Un enfant lance une pomme dans la tête de son père, on s’esclaffe. Je regarde le prix. Ah oui quand même. Puis je me sauve.

Il fait meilleur dehors, l’air y plus frais, plus respirable. Encore des jeunes qui moisissent avec leur téléphone et leur coca. Dans le coin, il y a un clochard. Il dort, il n’a rien dans sa casquette. Je traverse la place, j’évite des gamins, un jeune me demande une cigarette. Je la lui donne, mon paquet est plein. Fait chié. Il me dit du bout des lèvres :

- Respect… en tapant son poing sur sa poitrine.

Je file. Il y a trop de monde, j’en ai assez. Je croise une connaissance qui ne me voit pas. Tant mieux. On me tend un papier, je prends. Une offre, Nokia que je jette plus loin. Allez encore une dernière librairie. Je pense à une boutique en traversant la route. Une grande affiche indique que Noah aime porter les slips sloggi. Plaqués contre une vitrine, des jeunes braillent et remontent leurs chaussettes. Leur transistor sature. Moi aussi, je vais un peu plus loin.

Une grande affiche indique bas prix sur la nespresso. J’ai mal aux jambes. Un répit s’impose, cinq minutes. J’allume une cigarette et je regarde passer les gens. Un gros mange un sandwich, il transpire en même temps, la mayo coule. Des couples passent. Beaucoup de polos rayés sous les manteaux. Un gars a mis le même que sur l’affiche derrière. Promo chez Célio. Ils portent tous des sacs, des petits, des gros. Que des bariolés. Zara, Séphora, Virgin entre autres. Les femmes ont souvent des chaussures pointues, des converses ou des ballerines. Beaucoup de bottes aussi, certaines claquent plus que d’autres. Ça m’est désagréable. Un groupe de jeunes fait un tour. Encore de la musique forte. Je regarde ailleurs. En passant, le plus petit me demande une clope. Je la lui donne. Il l’a met derrière son oreille puis s’en va. Quelques uns mangent des chouros. Mon coin pue la pisse. J’écrase ma clope. Je file.

J’entends une mélodie. Elle vient de la place derrière. La librairie doit être par là. Je tourne. Devant un grand centre commercial des péruviens jouent du pipo. Les enfants sont contents. Un bruit de pétard me surprend. Le petit garçon derrière moi se met à pleurnicher. Son ballon flunchy vient d’exploser. Je continue derrière l’office du tourisme. Je cherche.

mercredi 28 janvier 2009

dialogues de connes

Dialogue de connes…



Topo. Nous étions trois dans le bureau. Je n’avais rien à faire d’autre que de lire un peu. Bardamu pourrissait en Afrique dans un village isolé. Dring. Je posai mon bouquin pour répondre au téléphone ; Encore une conne de mère d’élève qui ne comprenait pas pourquoi son fils avait tant d’heures de colle. Diplomate, je lui expliquai brièvement. Au moment de ré-enclencher la lecture, alors que l’une de mes collègues s’en foutait partout d’éplucher son fruit, l’autre entama la conversation :
- Tiens...j’avais fait un mémoire sur Céline.
- Ah bon ! Sur quoi précisément ?
- C’était sur le rapport qu’il entretenait avec les juifs…
- Ah ! Comme ça… t’avais de quoi dire !

Je sentais qu’elle allait me faire chier.
- Oui, c’est sûr…j’ai cherché les traces d’antisémitisme dans le Voyage…
J’avais bien senti.
- Euh, dans ses pamphlets je veux bien, mais franchement dans le Voyage, si tu focalises là dessus c’est dommage.
- De toute façon, je n’aime pas sa façon d’écrire…
Doucettement, me venait l’envie de la gifler. Je me contins. Elle reprit :
- Trop haché, sans liant, trop cru…Et puis ça suinte la haine à chaque page.
- Au contraire, c’est cette force qui en fait un immense écrivain, un artiste…

Pendant que nous discutions, la troisième collègue, l’étudiante en psycho, se dépatouillait comme elle pouvait avec son fruit. Elle entendait par bribes ce qu’on racontait et décida d’intervenir.
- Vous parlez de quoi ?
- De littérature, de Céline.
- Ah, je connais pas. Elle a écrit quoi ?

L’autre lui expliqua. Moi, j’avais envie de rire. Et de pleurer aussi, je ne savais pas. J’avais surtout envie de fumer une clope.
- Je vous laisse…



mardi 27 janvier 2009

brute incursion (3/5)

Brute incursion (3/5)



M’y voilà. L’hyper centre. Ça grouille. Des couples et des groupes s’activent de partout. Ça ressemble à une parade immense. Une partie de la foule stagne, surtout devant la Fnac. Les rendez vous semblent s’y être donnés. Des filles jactent, elles crient fort, elles mangent des glaces et des pizzas pas chères. Elles boivent du coca avec des pailles, des milk-shakes aussi. Des gars blaguent, ils s’insultent pour rigoler, se recoiffent, comparent leur tee-shirt. Au téléphone, ils se cherchent. En passant, je les entends : T’es où ? Ils disent souvent. Ils tournent en rond, ils ont l’air d’aimer ça. Puis ils vont rejoindre les autres, en meute toujours.

Ça m’étonnerait qu’ils l’aient. J’essaye tout de même. La Fnac. Je monte par l’escalator puis je me faufile. Mes épaules en touchent d’autres, je suis pressé. Sur des plots, enfants et adultes lisent des bandes dessinées. Je ne parviens pas à trouver le bon rayon. Je m’énerve un peu avant d’aller voir le vendeur, assis derrière son comptoir. Putain. La queue ! J’attends calmement mais sur la gauche on tente de me doubler. Je m’avance. L’employé demande :

- C’est à qui ?

La vieille dit :

- Je crois que c’est à moi.

Je laisse filer. Salope. J’attends encore cinq minutes que vienne mon tour, puis j’expose ma requête. Le vendeur ne connaît pas et me fait répéter :

- Qui ?

Je répète, j’épelle. L’inculte. Aucune trace de l’auteur.

- Tant pis… merci, au revoir.

C’était prévisible.

J’y suis, j’y reste un peu. Je redescends aux dvd. Il y a des promos, des belles remises. Des coffrets et des lots de deux de la Warner bros, surtout des films américains. Je regarde les nouveautés mais pas grand-chose ne m’intéresse. Je voudrais passer. Il faut se faire une place, jouer des coudes. Je m’exprime :

- Pardon…pardon !

On ne me répond pas. Aux bras d’une fille rondelette, le gars en maillot de l’O.M sent la transpiration. Ils ne bougent pas. Je force le passage puis je passe devant les séries. Des flics, des médecins, des avocats, des voyous, américains encore. Je survole, je ne suis pas adepte. Au rayon derrière, il y a moins de monde. Je gratte dans les documentaires. On y relate l’Histoire, des drames et des épopées. Des morts et de vieux personnages figurent sur les boîtiers. J’ai envi d’en acheter un. Je me raisonne. Il fait chaud, j’ai mal à la tête et je souffle.

De la foule, encore plus, remue vers les bacs à disques. Sur un présentoir, le dernier disque de Cali, EMI France se vend à 14 euros. Gros con. Des groupes d’adolescents se massent autour. Plus loin, des jeunes en survêtements fouillent au rayon rap et hip-hop. Ils parlent forts. Le vigile est prostré dans un coin et les surveille. J’aperçois deux jolies filles. Un peu d’espace là-bas Les gens y sont plus vieux. Je m’arrête devant une borne qui propose du gratuit. Une compilation de musiques classiques. Je mets le casque, j’expire, j’écoute.




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lundi 26 janvier 2009

prophétie...

Pensée fondamentale d’une civilisation de commerçants

.


On voit maintenant se former, de différents côtés, la civilisation d’une société dont le commerce est l’âme tout aussi bien que l’émulation personnelle était l’âme de la civilisation chez les anciens grecs, la guerre, la victoire et le droit chez les romains ; Celui qui s’adonne au commerce s’entend à tout évaluer sans produire, à évaluer d’après le besoin du consommateur et non d’après son besoin personnel ; chez lui la question des questions, c’est de savoir « quelles personnes et combien de personnes consomment cela ? » Il emploie donc dès lors, instinctivement et sans cesse, ce type d’évaluation : à tout, donc aussi aux productions des arts et des sciences, des penseurs, des savants, des artistes, des hommes d’état, des peuples, des partis et même d’époques tout entières : il s’informe à propos de tout ce qui se crée, de l’offre et de la demande, afin de fixer, pour lui-même, la valeur d’une chose. Cela, érigé en principe de toute une civilisation, étudié depuis l’illimité jusqu’au plus subtil et imposé à toute espèce de vouloir et de savoir, sera la fierté de vous autres, hommes du prochain siècle […]


Friedrich Nietzsche. Aurore, pensées sur les préjugés moraux n°175.

dimanche 25 janvier 2009

brute incursion (2/5)

Brute Incursion (2/5)




J’entrevois la place de la Poste. Au milieu des arbres, des parents surveillent leurs enfants qui s’agitent et tournent en rond sur un vieux carrousel. Les chevaux sont usés. Je souris à une mère, elle m’ignore. Je continue.

J’ai besoin de cigarettes. Merde, j’ai pas assez. Il n’y a pas de distributeurs par ici. Plus loin j’aperçois une Caisse d’Epargne. Je retire. Ça ne fonctionne pas. Je recommence. C’est long. Un robot doit vérifier si j’ai assez. C’est bon, je me dépêche de ranger mon billet, on ne sait jamais. Je reprends la marche, plus vite encore.

Au Pmu, on y vend aussi des clopes. Il y a beaucoup de monde dans cet endroit. Des jeunes, des vieux, des hommes uniquement. Ils ont chacun un papier dans les mains et s’excitent devant la course. Je ne comprends pas tout, on y parle plusieurs langues. J’achète un paquet de Marlboro. Je file.

En voilà une. A cinquante mètre il y a une première librairie. Je passe devant un arrêt de bus. Une grande affiche indique que l’ami ricoré est notre meilleur compagnon du matin. Je continue. Je crois que j’y suis. La rue est bondé. Se croiser devient parfois délicat. Merde ! Pas lui ? Si…Je rencontre ce regard familier. Trop tard. Il me dit :

- Alors ?

Alors, Je lui raconte la vie des autres. Pendant dix minutes il me questionne. Puis il repart dans l’autre sens, sacs Lafayette et Go Sport en mains. Qu’il est pénible.

J’entre chercher mon bouquin, je monte à l’étage. Il fait très chaud là-haut. Je me renseigne. La fille bidouille sur son ordinateur, elle est jolie mais ne sourit pas. Elle me dit :

- Non, j’ai pas.

Je pince mes lèvres et je lui réponds :

- Tant pis…merci, au revoir.

Je retourne au milieu des gens.






samedi 24 janvier 2009

dans le vent

Dans le vent



Ça souffle sec dans le sud-ouest. Les arbres se cassent la gueule, la mer se déchaîne, les bateaux se renversent, les trains restent à quai, l’électricité vacille et les toitures s’envolent. Clairement la tempête enfante la panique. Pire que la panique, a-t-on appris, quatre personnes ont trouvé la mort – notez l’élégance de cette expression reprise en cœur par toutes les chaînes d’info – sur les routes des Landes et de Gironde. De pauvres aventuriers qui ont bravé le vent ont été punis par quelques lâchers de pins bassement tombées du ciel. Une crise cardiaque aussi. Evidemment, dans les médias, on sort la grosse armada. Caméras dans tous les patelins, dix reporters par clochers ; On veut du témoin, du vrai, du brut. Du vieux qui gueule, de la ménagère affolée, de l’expert qui explique vaguement. Ainsi Josiane nous raconte comment la tuile de son voisin a atterri dans son potager. Le maire d’un petit village nous dit que de mémoire de maire de petit village, il n’a jamais vu ça. Quant à monsieur Lajoie, il attend prostré dans son fauteuil que la lumière revienne. Le pauvre, il n’aura pas même la chance de se voir à la télé. Espérons qu’en grands professionnels, les journalistes de Bfm lui feront parvenir une cassette. Puis les pompiers expliquent un peu leur boulot et ce qu’il leur reste à faire il faut enlever les arbres des routes, ça gêne au milieu. Enfin, un « spécialiste » de la météo rassure tout le monde en expliquant la formation du phénomène…Alors en fait c’est la cyclogénèse qui crée un important gradient de pression atmosphérique…En général, le brave termine toujours par un petit couplet sur le réchauffement climatique qui culpabilise un peu plus le spectateur dérouté. Bien calés dans leur fauteuil, les présentateurs de journaux nous font leurs têtes de chiens malades pour lancer les sujets, parlent de records et de phénomènes rarissimes puis, plus guillerets, terminent sur une note d’optimisme :

Demain dimanche, heureusement pour les pauvres malheureux, le président Nicolas Sarkozy sera en Gironde, accompagné des ministres Michèle Alliot-Marie (Intérieur) et Michel Barnier (Agriculture) ainsi que des secrétaires d'Etat Dominique Bussereau (Transports) et Chantal Jouanno (Ecologie).
Voilà qui change tout ! La dream team va venir constater, parader, prendre le ton grave, digne, parler au nom de la France, se prendre pour De Gaulle, évoquer les droits de l’homme, la prise de la bastille, Jean Moulin peut être. Peut importe le sujet, il faut du grandiloquent. C’est que cette formidable équipe de clowns, dirigé par un agité sous amphéts, dispose d'une faculté hors du commun à traiter avec vigueur et détermination tous les problèmes de clébards qui mordent, de bébé congelés, de bactéries dans le saint-Marcellin...du très lourd. Alors les caprices de la météo, quelle aubaine ! Soyons sûrs que dès demain, des mains seront serrés, des fonds seront débloqués, des lois même seront promises. Surtout, il y aura des vidéos, des photos pour retranscrire tout ça. Et beaucoup de compassion. Le petit Nicolas va s’indigner et s’exprimera, le tic convulsif, le poing serré…

La tempête, c’est quoi la tempête, et bien je vais vous le dire ce que c’est la tempête. La tempête, c’est à cause des régimes spéciaux des cheminots…Mais pas seulement. La tempête, c’est aussi à cause des arbres qui tombent. Un arbre qui tombe, c’est scandaleux un arbre qui tombe, c’est pas normal. Les arbres – n’ont – pas – à – tomber. Alors pour tout arbre qui tombe celui qui aura planté la graine sera sévèrement puni... Je préconise de couper tous les arbres pour qui n'aient plus d’arbres qui tombent. Et le vent, parlons en du vent. Le vent – n’a – pas – à - souffler. Je me chargerai personnellement, et ce dès demain, de mettre en place un grand plan anti-vent. On mettra des radars à chaque éolienne.
Quelle prestance, quelle carrure, quel homme courageux. Et les chaînes de télé ne manqueront pas de nous diffuser en boucle l’évènement. Je t’aime mon Nicolas. J’ai hâte d’être à demain !