lundi 26 janvier 2009

prophétie...

Pensée fondamentale d’une civilisation de commerçants

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On voit maintenant se former, de différents côtés, la civilisation d’une société dont le commerce est l’âme tout aussi bien que l’émulation personnelle était l’âme de la civilisation chez les anciens grecs, la guerre, la victoire et le droit chez les romains ; Celui qui s’adonne au commerce s’entend à tout évaluer sans produire, à évaluer d’après le besoin du consommateur et non d’après son besoin personnel ; chez lui la question des questions, c’est de savoir « quelles personnes et combien de personnes consomment cela ? » Il emploie donc dès lors, instinctivement et sans cesse, ce type d’évaluation : à tout, donc aussi aux productions des arts et des sciences, des penseurs, des savants, des artistes, des hommes d’état, des peuples, des partis et même d’époques tout entières : il s’informe à propos de tout ce qui se crée, de l’offre et de la demande, afin de fixer, pour lui-même, la valeur d’une chose. Cela, érigé en principe de toute une civilisation, étudié depuis l’illimité jusqu’au plus subtil et imposé à toute espèce de vouloir et de savoir, sera la fierté de vous autres, hommes du prochain siècle […]


Friedrich Nietzsche. Aurore, pensées sur les préjugés moraux n°175.

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