lundi 12 janvier 2009

le repas de noël (1/8)

Le repas de noël (1/8)



Ne reste pas en bas
Ne monte pas trop haut
le monde est toujours plus beau
vu à mi-hauteur.


L’excitation grimpait. A chaque expresso, dans la salle de pause, on se rappelait au bon souvenir de la sauterie de l’an passé. Chacun y allait de son anecdote stupide – qui avait vomi ? L’autre conne s’était-elle faite tirée dans les chiottes ou sur le parking ? - Peu imbibé de l'hyperfestive émulation, simuler longtemps l’emballement niais et sans réserve relevait de l’exercice délicat. Alors je touillais et re-touillais mes fonds de gobelets en regardant un coup le plafond, un coup la grisâtre moquette, pour avoir l’air de faire quelque chose. Presque deux mois que j’avais signé ce piteux contrat et presque deux mois que j’en entendais parler à toutes les gondoles, à chaque carrefour de rayons, du petit gueuleton de début décembre avec son pâté de campagne, ses mandarines et ses chèques cadeaux.


Dès septembre, chaque inscrit avait dû remplir un petit formulaire, la dame du comité l’avait décidé. Madame Pfein s’était occupée de tout, comme chaque année. Ce repas de noël, c’était le sien, l’œuvre de sa vie ; De sa réussite dépendait sa santé mentale et son rendement professionnel. En général m’avait glissé un collègue aigri elle venait nous casser les couilles vers la mi-mai avec son menu, sa décoration, savoir si on préférait les chocolats ou les pâtes de fruits. Sainte Chantal, dans son infinie bonté, établissait des statistiques, prenait des notes pour faire respecter la démocratie ; Chacun pouvait émettre des souhaits, donner son avis sur tout et n’importe quoi ; Elle le voulait participatif son repas de noël. Lorsqu’elle faisait ses rondes pour sonder l’opinion, madame Pfein matérialisait d’ordinaire son excitation par quelques giclées de frais postillons. Son petit numéro m’agaçait du plus profond de mes tripes. L’envie me venait souvent d’étouffer la dinde, de lui fourrer ses foutues papillotes jusqu’au fond du gosier ; Mais quand à chaque occasion, elle me rabâchait son programme tout bien léché, j’acquiesçais gentiment, comprimant mes pulsions pour paraître agréable. Il me restait à bien me concentrer sur sa mitraillette de bouche et éviter par quelques prouesses vertébrales les salves de salive qu’elle m’adressait gracieusement.


La dernière quinzaine avant l’évènement fut une course à l’affolement. En reine du détail, madame Pfein poussait la perfection à la lisière du blocage neurologique. La marche du monde ne se résumait plus qu’à peaufiner deux trois commodités, rappeler huit fois par jours, à tous les convives, l’heure et le lieu du rendez vous, insister lourdement sur les accoutrements conseillés, plus encore sur ceux proscrits. Pire qu’une mère tout juste ménopausée. Le temps glissa sur ses angoisses jusqu’au fameux samedi. Quant à moi, Je commençais à regretter d’avoir cocher la mauvaise case au bas du formulaire. Ça sentait déjà le cramer.

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