mardi 13 janvier 2009

1983 : clichés

1983 : clichés




L’époque réservait une place de choix à l’image. Partout et toujours, il en fallait plus. Nous arrivions en douceur à la confortable tyrannie de la représentation, une sorte de paroi immense où nous eussent été projetés en flots continus des ombres et des cadavres. Une caverne new-look, plus obscure encore, de nos choses publiques contemporaines. La grande illusion du spectacle ou le déni du réel. Les métaphores ne manquaient pas pour illustrer l’allégorie.

En parallèle de ce monde toujours plus flou et impalpable, l’image de soi s’éloignait elle aussi d’une réalité emprunte d’humanisme. On oubliait la nature, le charme des défauts, on niait la laideur qui pourtant, fatalement, façonnait la beauté. On imposait le standard, la norme. Puis l’artifice et le masque aussi. On refusait de vieillir au point de s’enlaidir de liftings et de collagène. On s’enlisait dans une merde bien grasse, et ça commençait franchement à ne pas sentir bon. Le bilan physique de l’imagerie personnelle était d’une platitude pré-galiléenne exception faite des poitrines les plus réussies. Le diktat du mannequin jouxtait celui de la pensée unique. Les dérapages étaient sanctionnés d’un ostracisme outrancier. Mieux valait se courber pour rentrer dans le moule. Surtout ne pas changer de ton. Faire semblant seulement. Privilégier l’artifice de l’incantation au mouvement réel et à l’action. Se croire beau, vivant et triomphateur. Se contenter de signer des pétitions en incarnant le bien. La propre image des individus avait tendance à se simplifier, à s’unifier dans une sorte de modèle ultime, indépassable. Ceux qui y voyaient plus claire ne se démarquaient pas beaucoup par manque de courage et cette pourriture les rendait terriblement tristes et nauséeux de plastique.


4 commentaires:

Amiral Potiron a dit…

Bien vu, bien dit.
D'où l'impératif qu'il y a a "versifier", comme disait le vieux Muray.

schock a dit…

Merci.

impérativement. il faut que j'attaque
la montagne Muray !

BEBOPER a dit…

Au fait, pourquoi 1983? Simple date symbole, ou moyenne, ou référence personnelle?

schock a dit…

Association d'idées:
l'uniformisation, la tyrannie de l'image, le standard...
l'appartement de winston avec ses télécrans...
mais nous ne sommes pas encore en 1984 ;)