vendredi 16 janvier 2009

Bouquet final(e)

Bouquet final(e)



La réunion, prolongée en apéritif, avait duré plus que prévue. De retour du boulot, un peu fatigué, un brin cossard, voilà que je me vautrai dans le canapé froid à peine le manteau balancé sur la chaise de circonstance ; Un des canaux de l’info perpétuelle indiquait presque neuf heures. Courte soirée en perspective ; Mes yeux, déjà, se faisaient lourds. Pour réflexe pavlovien, j’avais entrepris de manier la zapette. Drôle de rituel que celui de l’homme moderne ! Dubitatif, je m’abreuvai d’images de passage, des colorées et des bourrines, avant de m’arrêter plus en longueur sur le film proposé par l'une des chaines d’état. Soirée hommage, l’un des leurs venait de rendre l’âme, le bien nommé Berri.


Sur l’écran, la sèche Carole paradait à la Kommandantur. Toujours si prompte, en ville, à verser la larmichette devant les caméras, l’émotive de métier semblait également tirer gloriole à pasticher dame Aubrac. Le jeu de la bourgeoise sonnait creux, son ardeur, par trop factice, indisposait ; inadéquation totale pensai-je. A l’époque, Polie, Lucie avait eu l’élégance de ne pas trop le répéter. Mais Dieu que ça suintait, dans les pixels, la raide prétention, la vilaine publicité de l’interprétation. Me surpris-je alors, vociférant ma colère, les yeux fixés sur l’exaspérante mère Bouquet : sale connasse ! L’insulte, au vent, peut soulager parfois, et ce fut le cas. Un peu plus serein, je réalisai, qu’enfant, l’actrice m’avait bien plu. Elle m’avait même ému ; Sa beauté certainement. C’était donc ça, le brillant Buñuel l’avait bien senti. Voilà ce qu’était Carole Bouquet, et ce qu’elle incarnait seulement : un obscur objet du désir, le charme froid et coquet de la bourgeoisie. Elle l’incarnait tellement qu’elle en imprimait la pellicule, qu’elle en cocufiait ses personnages. A mille lieux du courage, dont la citoyenne se targuait parfois, elle vaquait, ici et là, à s’abrutir de ces jeux de nanti : vignoble, bienfaisance et promotion. Rien qu’à imaginer la belle, en des temps autrement sombres, bouger ses petites fesses de son siège cossu, enfiler tailleur, pardessus et talons, pour sortir le gras Gérard, pourpré, soûlé de schnaps, de son fâcheux pétrin, simplement rien que ça, revenait presque à insulter la probité. Mais pas de procès d’intention, surtout celui là, celui du passé, l’invérifiable. Pareil exercice serait injuste et infamant…


Vraiment, mes paupières insistaient pour fermer la boutique. Adieu Lucie Aubrac, j’éteignis. Puis, en me roulant la dernière cigarette du jour, la synthèse de mes impressions, abruptement, vint éclaircir mon esprit. S’il y avait problème, je détenais le remède. Laissons donc la littérature s’occuper de l’histoire, ou choisissons des inconnus, vierges de paillette, éloignés du mondain, pour incarner ses grands destins. En mesure de salubrité publique, le décret offrirait aux patients cinéphiles quelque temps libre avant l’ulcère.





Info people : La jolie Carole ne vivrait plus avec le vaillant Gérard. Veuillez croire à l’intemporalité du propos.

4 commentaires:

Amiral Potiron a dit…

Carole Bouquet m'inspirait des bouffées de haine, naguère, elle incarne tellement la bourgeoisie bête et hautaine...
Bon texte!

Ps: deux trois petites fautes, ici ou là ...m'enfin on ne voit que les fautes des autres ;-)

"Pensais-je"
"Les yeux fixée"
"Siège cossue"
"la littérature s’occupait de l’histoire"

schock a dit…

Merci

p.s: Ah oui ! celles-ci sont grossières ! second merci.

Dantès a dit…

La façon dont tu passes tes nerfs sur la jadis "belle" Carole me renvoie à des paroles de Noir Désir:
"le bouquet de nerf"
Ceci dit c'est très bien vu de ta part et il te reste maintenant à nous tailler le portrait de Miss Béart!

schock a dit…

Merci.

Manon des sources me rappelle trop de souvenirs de jeunesse pour que j'y touche !
Mais c'est vrai qu'il suffit de penser à ses jérémiades de chaque interview et à ses lèvres 15 fois charcutées pour se laisser aller au plaisir d'un petit portrait...